[ En regardant la mer... ]

Milena avait réussit à partir de la maison.
Son père avait laissé la porte ouverte.
Pas malin.
Il subsitait encore quelques traces de larmes sur ses joues, un léger sillon presque invisible.
Elle réajusta sa petite robe blanche, mais qu'est ce qui lui avait prit de mettre une robe pareille aussi, elle aurait du mettre un énorme pull avec un gros pantalon de ski, bien qu'il fasse plus de 35C°...

Au moins, ici, il ne viendrait pas la chercher.
Et Hélène ne rentrait qu'à six heures...
Ce qui faisait qu'elle avait deux heures devant elle, et qu'elle savait comment elle allait les occuper.
Elle s'assit sur un muret, tout au bord de l'eau, et regarda autour d'elle.
Personne.
Alors...

" Pour la flamme que tu allumes
Au creux d'un lit pauvre ou rupin
Pour le plaisir qui s'y consume
Dans la toile ou dans le satin,

Pour les enfants que tu ranimes
Au fond des dortoirs chérubins
Pour les pétales anonymes
Comme la rosée du matin... "

De sa gorge sortait le son pur d'une flûte, et derrière ses paupières fermées des images multiples s'animaient.
C'était une chanson qu'elle avait entendue à la radio il n'y a pas longtemps, et elle l'avait vite apprise par coeur...

" Thanks you Satan... "

Elle souriait en prononçant ses mots.
Ils étaient un peu bizarres venant de la bouche d'une si innocente jeune fille, non?

" Pour le voleur que tu recouvres
De ton chandail tendre et rouquin
Pour les portes que tu lui ouvres
Sur la tanière des rupins,

Pour le condamné que tu veilles
A l'Abbaye du monte en l'air
Pour le rhum que tu lui conseilles
Et le mégot que tu lui sers...

Thank you Satan... "

Elle jouait avec sa voix, la modulait, la faisait vibrer, prolonger la note la plus aigue, la faire enfler jusqu'à crier, puis s'éteindre, aussi doucement que la flamme d'une bougie...

Milena ne le vit pas.
Prise entièrement dans sa chanson, elle avait fermé les yeux.
Sa voix enfla soudain, devint rageuse, presque agressive:

" Pour les étoiles que tu sèmes
Dans le remords des assassins
Et pour ce cœur qui bat quand même
Dans la poitrine des putains,

Pour les idées que tu maquilles
Dans la tête des citoyens
Pour la prise de la Bastille
Même si ça ne sert à rien... "

" Thanks you... "

Il y eut un moment de silence où Milena pencha la tête et balança doucement ses jambes au son d'une mélodie imaginaire, puis elle reprit, plus doucement:

" Pour le prêtre qui s'exaspère
A retrouver le doux agneau
Pour le pinard élémentaire
Qu'il prend pour du Château Margaux...

Pour l'anarchiste à qui tu donnes
Les deux couleurs de ton pays
Le rouge pour naître à Barcelone
Le noir pour mourir à Paris...

Thanks you Satan... Thanks you Satan. "

A ce moment, elle sauta du muret, se retrouvant dans l'eau jusqu'aux chevilles.
Peut être pas très bon pour le cuir de ses sandales, mais elle n'en avait rien à faire.
Si elle n'avait pas été en ville, elle aurait été jusqu'à déchiré ces vêtements honnis, démonstratifs d'un luxe mensonger...

" Pour la sépulture anonyme
Que tu fis à Monsieur Mozart
Sans croix ni rien sauf pour la frime
Un chien, croque-mort du hasard,

Pour les poètes que tu glisses
Au chevet des adolescents
Quand poussent dans l'ombre complice
Des fleurs du mal de dix-sept ans... "

Normalement, les violons jouaient avec intensité pendant cette partie de la chanson, et le rythme de la batterie s'accélèrait.

" Pour le péché que tu fais naître
Au sein des plus raides vertus
Et pour l'ennui qui va paraître
Au coin des lits où tu n'es plus,

Pour les ballots que tu fais paître
Dans le pré comme des moutons
Pour ton honneur à ne paraître
Jamais à la télévision... "

Elle se mit à tournoyer, sa robe s'étendant autour d'elle comme la corolle d'une marguerite aux pétales unis.

" Pour tout cela et plus encore,
Pour la solitude des rois... "

Et elle tourna dans l'autre sens.

" Le rire des têtes de morts,
Le moyen de tourner la loi... "

Et plus vite.

" Et qu'on ne me fasse point taire,
Et que je chante pour ton bien...
Dans ce monde où les muselières
Ne sont plus faites pour les chiens... "

Elle renversa la tête en arrière avec un éclat de rire naissant derrière les larmes encore présentes, bras étendus en croix, cheveux se dépoyant dans le ciel.

" Thanks you Satan... Thanks you Satan... Thanks you, thanks you, Satan... "

Elle s'arrêta, sourire aux lèvres.

" Thanks you... "

Essouflée, elle arrangea ses cheveux, se retourna...
Et aperçut le jeune homme assis en face d'elle.

Chris posa ses mains derrière lui et bascula le menton vers le haut

-Tsss...-

Le dégout qu'il portait à la jeune fille se lisait dans ses yeux.

Milena baissa la tête.
Pourquoi se sentait elle si coupable?
Son père avait bien fait son travail...
Maintenant, au moindre reproche, à la moindre faute, elle se sentait coupable.

" Pourquoi me regardez vous ainsi? "

Elle n'avait pu s'empêcher de demander, bien qu'elle connaisse la réponse.
Elle l'avait dit d'une voix douce, un peu trop basse peut être, mais sans indignation.
Bien qu'elle pensa que cette cause soit quelque peu injustifiée.

- Tsss...Parce que tu es tout ce que je hais. C'est tout. Tu incarne la pourriture à l'état pure. La pauvre petite fille riche perdue dans son château. -

Il rit méchament.
Il s'était levé du pied gauche.
Son humeur était eccecrable.

" Ce n'est pas un château c'est une prison. "

Elle ne leva pas la tête.
Elle se sentit trembler.
Elle aurait donné n'importe quoi, son âme, sa vie, son corps, pour pouvoir quitter cet endroit...
Mais il y avait Hélène.

" Tu parles sans savoir. "

Sa lèvre inférieure trembla.
Pourquoi parlait elle si bas alors qu'elle avait envie de hurler?
Pourquoi baissait elle la tête, pourquoi se recroquevillait elle, tremblante, alors qu'elle aurait voulut frapper, griffer, mordre, déchaîner le trop-plein de peur qu'il y avait en elle?

* Un chat ? *

" Je suis désolée... "

* Mais je ne sais pas pourquoi *

- J'ai une sainte horreur de ce genre de réaction. Vous n'êtes que égoïstme pur. Ici on crêve de faim. -

Il ne riait plus mais alors plus du tout.

- Toi aussi tu parles sans rien dire. Pauvre petite fille perdue dans sa prison comme tu dis. -

" Et moi, tu sais de quoi je crève? "

Elle leva lentement la tête.
Doucement.
Presque avec calme.

" Non tu ne sais pas, toi aussi tu es aveugle. Tu crois peut être que je ne sais pas ce qui vous arrive? Si, bien sûr, je le sais. Mais je sais d'autres choses : je ne peut rien faire, je n'ai pas choisit ça, je n'ai pas choisit d'être comme ça, je ne voulais pas et on ne m'a pas demander mon avis, si j'avais pu, j'aurais choisi de crever de faim mais ça TU COMPPREND PAS !!! "

Elle porta sa main à sa bouche.
Pourquoi fallait il que ce soit maintenant qu'elle explose, face à cet inconnu qui la détestait sans la connaître?
Déjà, parce qu'elle n'avait personne à qui elle aurait pu dire ça.
Mais à quoi bon?
Qu'est ce que ça changerai?

Elle s'assit lentement dans l'eau, laissant ce liquide froid recouvrir son corps, le visage soudainement figé.
Il pouvait dire ce qu'il voulait, il pouvait faire ce qu'il voulait.
Rien, rien n'était important.
Elle regarda à travers l'eau les quelques hématomes qui tachaient ses avants-bras blancs de leur couleur violette.

Tu es tombée dans les escaliers d'accord?

Et ben dis donc ça t'arrive souvent ces temps-ci...

- Des beaux discours comme sa j'en aie déjà entendu...Alors garde ta salive. -

L'air de Chris n'avait pas changé.
Toujours aussi dur et ancré.

Milena ne répondit pas.
Il n'y avait rien à répondre à une phrase aussi stupide.
Non ans blague, si elle avait voulu faire un beau discours elle aurait été dans un meilleur endroit que de l'eau glacée -_- .

Elle se mit à frotter ses bras, comme si ça pouvait faire disparaître les traces.
Rien.
Elle fronça les sourcils.
Pourquoi tout s'obstinait à l'embêter aujourd'hui?
La journée avait bien commencée pourtant...
Et puis son père avait tout gaché...
Elle aurait du savoir pourtant, éviter la bibliothèque le lundi, il ny'a pas les domestiques...

" C'est bizarre... "

Elle ne savait même pas de quoi elle parlait, ni à qui...

[ Je vais devoir y aller bientôt ^^]

Milena pencha la tête sur le côté, écoutant la mélodie d'une oreille attentive, un sourire amusé sur les lèvres.
La bouche pleine de fiel mais des doits en or apparement...
Il jouait très bien.
Elle et les instruments ça faisait deux, excepté le piano, mais il faut dire que c'était un instrument plutôt simple.

[Ooki ^^]

Puis il s'arrêta.
Sa voix s'éleva dans les airs.

"I died
So many years ago
You can make me feel
Like it isn't so
And why you come to be with me
I think I finally know
mmm-mmm

You're scared
Ashamed of what you feel
And you can't tell the ones you love
You know they couldn't deal
Whisper in a dead man's ear
It doesn't make it real
That's great

But I don't wanna play
'Cause being with you touches me
More than I can say
And since I'm only dead to you
I'm saying stay away and
Let me rest in peace

Let me rest in peace
Let me get some sleep
Let me take my love and bury it
In a hole 6-foot deep
I can lay my body down
But I can't find my, sweet release
So let me rest in peace

You know,
You got a willing slave
You just love to play the thought
That you might misbehave
Till you do,
I'm telling you
Stop visiting my grave
Let me rest in peace

I know I should go
But I follow you like a man possessed
There's a traitor here beneath my breast
And it hurts me more than you've ever guessed
If my heart could beat, it would break my chest
but I can see you're unimpressed
So leave me be and

Let me rest in peace
Let me get some sleep
Let me take my love and bury it
Im a hole 6-foot deep
I can lay my body down
But I can't find my sweet release
Let me rest in peace
Why won't you
Let me rest in peace?"

[ ]

[ Han! The Spike's chanson mdr Raaaaah... ]

Milena ouvrit de grands yeux surpris.
Il chantait bien.
Mieux que bien même!
Il avait une voix étrange, inhabituelle, fascinante pour quelqu'un comme elle qui adorait les voix, la chanson était dans un ton grave, à un rythme de rock, et il n'avait fait une seule fausse note.

Et puis elle appréciait le texte.
C'était important dans une chanson, plus que la musique ou la justesse, ou du moins égal.
Elle se leva, sa robe dégoulinante d'eau, quelque peu transparente -_- mais elle n'en avait pas conscience en fait, bah oui elle allait pas se trimballer avec un miroir sur elle^^.

Elle s'approcha doucement, puisqu'il lui tournait le dos ça ne servait à rien de prendre beaucoup de précaution, et s'assit non loin de lui, à même le sol, pour écouter la fin de la chanson.
Elle laissa quelques minutes s'écouler avant de dire d'une voix un peu tremblante, bah oui on va dire que son enthousiasme avait été un peu douché par la rafale de reproche d'il y a cinq minutes...

" Tu as une belle voix... "

Elle s'était tout juste retenu d'ajouter : pour quelqu'un qui aime autant insulter les gens...

[ ]

Il ne sursauta pas.
Malgré qu'il ne s'attendait pas à ce qu'elle le suive.

- Merci...-

Bougonna t-il.
Il avait un caractère de cochon aussi célèbre qu'il n'était bon en chant.
On y pouvait rien.
Un singe qui répond au quart de tour...
La rue l'avait forgé, lui avait appris à se méfier.

- Désolé pour tout à l'heure c'est sortit tout seul...Bien que je pense fortement ce que j'ai dis sur les bourges.-

[^^]

Milena fut surprise.
Elle s'attendait à un déluge de jurons, pas à des excuses.

" Ce... ce n'est rien. Tu as sans doute raison de toute manière. Sauf pour un point. Moi j'ai envie de faire quelque chose. "

Elle replia ses jambes sous elle, frissonnant dans sa robe trempée.

" Je voudrais aider. Est ce qu'il y a quelque chose que je puisse faire? "

Sa proposition était sincère.
Elle y avait déjà pensé avant, mais n'avait jamais osé.
Pourquoi?
Ben... Elle ne savait pas trop.

Il sursauta.

- A...Aider ? -

Ce n'était pas tout les jours qu'on entendait cela...

-Bah j'en sais rien moi...Aller vers les gens...Mais faut fare gaffe c'est pas un paradis ici... -

Elle se mit à rire.
C'était tout léger d'abord, tout doux, comme le bruissement des ailes délicates d'un petit oiseau qui s'envole, puis ça grandit, et Milena se tint les côtes, les larmes aux yeux.
ce n'était pas spécialement drôle, simplement ironique...

" Oui... je dois dire que j'avais remarqué... le chaleureux accueil ! " Hoqueta t'elle.

Elle mit un petit instant à se calmer, les joues toutes rouges^^.

Puis quand elle redevint sérieuse, elle fronça les sourcils.

" Seulement je ne suis réellement pas très douée pour aller vers les gens... Comment tu fais toi? "

Elle posait sa question sur un ton naïf, presque innocent.
Car en ce qui concernait les relations humaines, elle avait l'expérience d'un nouveau-né...

Il haussa un sourcil.

*Mais sur qui je suis tombé...*

-Qu'est ce que j'en sais...Déjà avec tes habits et tes cheveux bien soignés les gens d'ici vont de regarder sous un autre angle que si t'avait juste un jean troué et une chemise....-

Milena se dit qu'elle ferait mieux de se calmer et d'arrêter d'être aussi spontanée, ou ce gars allait bientôt la croire folle...
D'ailleurs, comment il s'appelait?
Elle devrait peut être demander maintenant...
Et puis non en fait, elle craignait quelque peu les "va te faire foutre", "c'est pas tes oignons" et "en quoi ça t'intéresse"...
Mais la réponse du jeune homme chassa soudainement ces pensées.

" Hum... Oui je comprend. "

Même si là elle n'était plus tellement propre et bien peignée, avec ses longs cheveux sombres complètements emmêlés avec le vent - qu'est ce qu'il soufflait fort ici - et sa robe trempée et boueuse, soudain plus très blanche.
Elle baissa la tête, se demandant bien qu'est ce qu'elle allait pouvoir dire maintenant.
Cette année, décidément, elle ne cessait de se trouver dans des situations nouvelles et de plus en plus délicates...
Elle osa finalement:

" Comment tu t'appelle? "

Elle se sentit rougir et, gênée, se mit à regarder l'eau, frissonnant quelque peu.
Elle ne s'était toujours pas assise à côté de lui, craignant sa réaction.
Elle avait peur de tout de toute manière...

Il leva la tête et la regarda.
Il ne répondit pas.
Il sortit alors une clope de son manteau et l'alluma.
Une fumée sortit de sa bouche.

-Chris.-

Dit il comme si il avait laché quelque chose.
Nettement.

Milena s'était raidie lorsqu'elle avait sentit qu'il allait parler.
Bien trop peureuse décidément...
Mais il lui avait dit son nom.
Chris.
Rien d'autre, ni injure, ni sourire ou regard méprisants, ni silence lourd de sens.
On pouvait considérer que c'était un bon début, non?
En tout cas, elle se dit qu'elle avait peut être le droit de dire quelque chose, peut être son nom... Ou peut être ne valait il mieux pas, vu qu'il ne l'avait pas demandé, qu'il ne voulait sans doute pas le savoir...

" Chris c'est plutôt beau comme nom. "

Et voilà... Elle aurait pu dire "joli" ou "chouette" ou "cool", mais non, il avait fallut qu'elle dise beau, et qu'elle sorte cette phrase ridicule...
Après elle n'avait qu'à s'en prendre à elle-même si il la trouvait idiote!