[¤ Parce qu'il faut bien un commencement ... ¤]

- Alors, tu crois que y'a quelqu'un qui habite ici? -

Eileen leva les yeux au ciel.

" Pedro, y'a marqué propriété privée, défense d'entrer, les rideaux viennent de s'ouvrir, c'est surper propre, et y'aurais personne? "

- Si y'a un fantôme à tout les coups, c'est une maison hantée!

Les deux jumeaux ricanèrent.

" T'es con Miguel... Maintenant vos gueule sinon on va nous entendre... "

- Hey, ce serait drôle, t'imagine, il appelle les flics, nous on se casse et on se fait poursuivre, comme le film qu'on a vu hier, avec le gars qui...

- Ah ouais le mec qui a tué un flic et c'est son père qui enquête? C'tait trop d'la balle!! -

Eileen s'appuya contre un arbre avec un immense soupir de lassitude.

" Je savais bien que c'était une mauvaise idée de vous montrer le passage qui mène à la salle de ciné... "

- Quoi? Tu voulais le garder pour toi toute seule? S'insurgea Miguel, Là tu rêves bouboule !

" Hey troufion j'tai d'jà dit de pas m'appeller comme ça! "

- Sinon quoi?

" Sinon tu te ramasse un gnon dans ton crâne de piaf!! "

- Moi au moins je rentre dans mes pantalons!!!

" Normal t'as rien dans l'slip !! "

- J'le dirais à maman!!

- Hey vous deux, du calme... -

" Ouais c'est ça va l'dire grosse balance... "

- Bon ça suffit... -

- Tu sais c'quelle te dit la balance?

Avant qu'Eileen eut pu faire un geste, Miguel lui sauta dessus et tira sur sa couette droite de toutes ses forces.

- J'vais t'arracher les ch'veux poufiasse !

" Petit salaud ! "

Eileen lui chopa le bras et l'envoya balader un peu plus loin.
Il se releva, vert de rage, et sauta à nouveau sur sa soeur, poing en avant, sous l'oeil angoissé de Pedro.

- Arrêtez on va nous entendre!! STOP !!! -

Mais Miguel attrapa Eileen par le coup, celle-ci lui donna un coup de pied, il commença à dévaler la pente, l'attrapa par la jambe, elle roula avec luin, se raccrocha à Pedro...
Et tous les trois dévalèrent la pente qui menait jusque dans le jardin de monsieur Sama...

Eileen se releva avec hésitation, pas très sûre de ses mouvements.
Elle avait la tête qui lui tournait d'avoir autant roulé le long de cette fichu pente, et les coups que son petit frère lui avait assénés en douce n'étaient pas pour arranger les choses...
Elle sentit un liquide chaud et poisseux couler de son nez.
Elle y porta sa main...
Elle était toute rouge lorsqu'elle la regarda.
Eileen serra les mâchoires.
Ah quel enfoiré ce Miguel, il lui avait peut être cassé le nez!
Enfin non, elle aurait eu bien plus mal sinon...

Elle les regarda, ils étaient tous deux à terre, Miguel se tordant sur le sol comme un asticot pour tenter de se relever malgré le fait qu'il ait le tournis lui aussi et Pedro se tenant le genoux en gémissant.

- Ma jambe elle est cassée!!! Ma jambe elle est cassée!!! -

Eileen s'agenouilla, en soufflant d'exaspération.

" Mais c'est pas possible, vous vous êtes donné le mot pour me faire chier aujourd'hui ou quoi? "

Pedro se mit à pleurer.

- J'ai mal... -

Elle le releva doucement et regarda sa jambe.

" Mais non gros bêta t'as rien du tout ! "

- Mais j'ai mal j'te dis! -

" Bon, c'est peut être une petite foulure, dit Eileen pour lui faire plaisir, car elle doutait qu'il se soit réellement blessé, quand on va rentrer à la maison on te mettra une bande OK ? "

Le petit hocha la tête et Eileen l'attrapa par les bras pour le relever.

" Allez champion, c'est bien t'es courageux! "

Puis elle fusilla Miguel tu regard, qui se tenait en retrait, l'air penaud.

" Toi la prochaine fois que tu fais de tiennes... "

Elle ne finit pas sa phrase.
Car la porte venait de s'ouvrir, et un jeune homme - car il n'avait pas l'air vieux, bien qu'étrange - au style légèrement effrayant les observa.
Brr! Il foutait un peu les boules...
C'est sans doute ce que pensèrent les deux jumeaux, car ils se carapatèrent avec de grands cris.

* Vive la solidarité... *

Eileen avait l'impression de ne plus pouvoir bouger un muscle, elle était pétrifié, comme un lapin prit au piège du regard hypnotisant du cobra...
Et elle n'appréciait pas du tout d'être à la place du lapin.

Eileen faillit faire la grimace, ce qui aurait pu inquiéter le jeune homme d'ailleurs, vu sa célèbre mine de renfrognée^^.
C'était pile la question qu'elle redoutait.
En effet, comment expliquer à quelqu'un qu'on est venu spécialement dans une villa de richoux pour casser la vitre de son salon et aller chiper des denrées conservables longtemps, les boîtes de conserves en somme, quand ce quelqu'un est précisément le propriétaire des lieux?
Eileen se tordit les mains avec nervosité et commença à s'agiter sur place, très mal à l'aise.
Là elle n'était pas dans son quartier à pouvoir faire la grande gueule pour impressionner, là si elle ne trouvait pas d'explication convaincante, elle irait sûrement droit chez les flics...

" Hum... Euh... Ben c'est que... En fait... "

Elle rougit, vira même jusqu'au cramoisi en quelques secondes.
Ses joues en feux lui donnaient chaud, à moins que ce ne soient les circonstances gênantes dans lesquelles elle se trouvait en ce moment...
Comment diable allait elle s'en sortir cette fois?
Il fallait trouver quelque chose, vite, parler, dire n'importe quoi, et trouver une porte de sortie...
Elle jetta un coup d'oeil sur sa droite.
Evidement, Miguel et Pedro étaient partis depuis longtemps, par l'entrée qu'ils avaient découverte, un trou dans le grillage derrière les arbres, mais il était hors de question de s'enfuir par là, elle n'en aurait pas le temps...
Et la grille d'entrée était fermée et bien trop haute à escalader...
Alors elle tenta le tout pour le tout:

" C'est à dire que moi et mes frères on avait entendu parler d'une super psicine par loin d'ici et puis on s'est dit que ce serait super cool d'aller y faire un tour si le proprio était pas là, on savait pas où s'était alors on est entrés ici par un trou dans le grillage et puis vous êtes arrivé... "


Elle avait lâché ça d'une traite, sans reprendre son souffle.
Elle fut obligée de baisser la tête, sinon la chaleur de ses joues allait sûrement tout enflammer autour d'elle!
Quel mensonge pertinent! Mais quand on y réfléchissait ça pouvait tenir, et elle pouvait ne rien avoir comme représailles, si le gars était plutôt sympa...

Elle releva la tête avec une petite lueur d'espoir dans son regard de charbon.
Avec un peu de chance, il allait croire à sa petite fable et ça s'arrêterait là, elle pourrait repartir tordre les oreilles à Miguel et Pedro pour lui avoir fait un coup aussi salaud!
A quelle belle bande de courageux ici!

Malheureusement, ça ne se passa pas du tout comme ça.
Elle voyait parfaitement qu'il était sceptique, pire que ça même, et sentait la rougeur de ses joues s'étendre à son coup et à ses oreilles.
Pourquoi diable fallait elle qu'elle ait une peau si blanche alors que tout les membres de sa famille semblaient avoir passé une heure dans un four à griller?
En fait elle avait la peau presque aussi blanche que lui...
Mais lui il devait se mettre du maquillage, c'était pas possible d'avoir une peau aussi pâle autrement, à moins d'être un vampire évidement, mais vu que ça existe pas... [^^].

Mais une phrase là mit réellement en colère.
Faire le tour du propriétaire?
Bon, tout d'abord, pouce.
Il s'agissait juste de quelques boîtes de conserves à piquer dans la cuisine.
Et secondo, elle n'avait vraiment pas aimé le ton sur lequel il avait sortit sa phrase.
Pas du tout aimé.
Elle avait l'impression d'avoir des yeux accusateurs posés sur elle, une bouche méprisante, un sourire narquois.
Evidement, on retombait en plein cliché du haha-moi-je-suis-le-gros-bourge-qu'à-tous-les-pouvoirs et toi t'es que la-petite-fille-du-guetto-qui-fais-que-voler.

" Ah ouais c'est ça, parce que selon vous ceux du bas c'est qu'des voleurs hein? On est des moins que rien c'est ça? Vous croyez p'têtre que quelqu'un aurait envie d'aller voler des trucs chez un pourri? "

Bon, c'était peut être ce qu'elle s'apprêtait à faire, c'est vrai, mais elle n'allait pas se faire salir son honneur de la sorte, hé oh, il en allait de sa réputation!
Et puis même, c'était autre chose que ça.
C'était la rage de voir les gens dans la rue te regarder d'un air suspicieux.
La honte d'être fouillée par les flics dès qu'il y avait un cambriolage ou pour un contrôle de routine, juste parce que t'étais dans un magasin sois-disant trop cher pour toi ou parce que tu portais des habits crades, des habits qui te désignaient tout de suite comme un délinquant potentiel.
Parce qu'elle en avait marre des regards méprisants, des insultes lancées à voix basses, même pas en face, des ricanements, de la discrimination subtile, beaucoup trop pour pouvoir être dénoncée et pourtant assez forte pour lui faire monter les larmes aux yeux.
Voilà, c'était tout ça qui jaillissait d'un coup.

" J'en ai marre... "

Elle sentait ses yeux s'embuer, et elle utilisa la manche de l'ancienne veste de son père qu'elle portait pour s'essuyer les yeux.
Puis elle remarqua le sang sur la manche, et se rappella le super coup de poing que lui avait envoyé Miguel en pleine face.

" S'il vous plaît, vous auriez pas un mouchoir? "

Elle devait avoir l'air chouette, avec son visage barbouillé de terre et de sang et toujours aussi renfrogné.

Alors qu'elle levait les yeux pour voir qu'elle allait être sa réponse, sa manche droite toujours collée à son nez, elle le vit esquisser un sourire.
Mais pas vraiment le genre de sourire qu'elle s'attendait à voir d'un bourge...
Un petit sourire, timide, qui avait l'air... Gentil.
Oula, elle n'en avait pas vraiment l'habitude, c'était bizarre!
Il lui dit ensuite de venir.
Elle faillit s'étouffer en avalant de travers.
Quoi? Elle, entrer dans une maison de riche, une maison du haut? Un des rêves secrets des gens du bidonvilles? Elle avec ses chaussures toutes crades, ses vieux vêtements à demi-déchirés et son visage ensanglanté à cause de ce fichu nez qui ne voulait pas se calmer? ça relevait du fantastique, de l'iréel...
A travers le brouillard de sa stupéfaction, et tout en marchant d'un pas hébété vers la grande demeure, elle remarqua tout de même qu'il avait laissé tomber le vouvoiement au profit du "tu", qu'elle trouva beaucoup plus amical et chaleureux, qui sonnait beaucoup plus "vrai" selon elle, c'est-à-dire qu'il lui parlait presque comme à une égale...
Mais là c'était juste un film qu'elle se faisait dans sa tête parce qu'elle était sous le coup de l'émotion.
Elle entra donc dans la bâtisse avec un silence quasi-religieux tant elle était impressionnée.
Rien que l'entrée la subjuguait, si immense, si belle, mais si sombre...
Aucunement comparable avec l'espèce de vestibule de sa "maison" à elle!

Il lui dit d'attendre ici, elle ne répondit pas, car elle était encore un peu sous le choc et complètement absorbée par l'observation du lieu, qu'elle scrutait dans les moindres détails, pour pouvoir noter fidèlement tout ce qui s'y trouvait dans ses fameuses : "Chroniques Eileeniennes ".
Seulement, au bout d'un moment - disons cinq minutes - son éternelle et maladive curiosité pris le dessus sur la stupeur et la gêne d'être dans un si bel et si mythique endroit.
Elle se demanda à quoi ressemblaient les autres pièces...
Et puis, si elle se faisait surprendre, elle pourrait toujours prétendre chercher les toilettes...
Elle s'engagea donc dans le couloir, essayant de marcher le plus possible sur les tapis pour ne pas salit le carrelage blanc.
Elle arriva à un embranchement...
Elle choisit d'aller à droite.
Elle le nota dans sa tête, il ne s'agirait pas de se perdre, se serait quand même réellement stupide.
Plusieurs portes se tenaient devant elle, et Eileen ignorait laquelle choisir.
C'est parce qu'elle n'avait pas encore regardé derrière...

Entendant un bruit dans son dos, elle se retourna vivement, et remarqua que l'une des portes était entrouverte.
Il n'en fallait pas plus pour titiller son attention.
Elle s'approcha donc, très prudement, et glissa un regard attentif à travers l'interstice.
C'était une chambre, une chambre d'enfant, vieille apparement, car elle voyait quelques poussières de-ci de-là qui semblaient stagner en apesanteur dans l'air immobile.
Puis elle vit une silhouette, qu'elle reconnut immédiatement comme celle de monsieur Sama.
Elle faillit sursauter, se retint de justesse, et l'observa attentivement.
Il avait l'air triste...
Un instant, elle eut un petit pincement au coeur, se demandant ce qui avait bien pu lui arriver pour qu'il se retire du monde de cette façon...
Mais ce n'était peut être pas le moment de s'interroger davantage, car il tourna les talons et repartit.
Aïe!!! A l'entrée vite!
Eileen fonça, se souciant peu de marcher ou non sur les tapis cette fois, mais rassemblant toutes ses forces en un magnifique sprint pour arriver la première...
Et elle y arriva, elle se posa contre le mur en s'efforçant de ne pas avoir l'air essouflée et remit sa manche sous son nez, manche qui commençait d'ailleurs à être sérieusement trempée.
La tête lui tournait, sûrement à cause de la perte de sang qui commençait quand même à être assez importante et elle se demandait si ça allait continuer beaucoup...
Heureusement, le jeune homme ne sembla pas remarquer qu'elle venait de courir, et lui tendis le mouchoir.

Elle s'en saisit avec gratitude en l'appuyant contre son appendice nasal.

" Berci beaucoup, dit elle, bous sabez je ne fais pas la difficile, bêbe si bous b'abiez donné du papier toilette j'aurais fait avec ! "

Elle faillit se donner des gifles.
Quelle spiritualité c'était... impressionnant, surtout avec le nez complètement bouché...

Eileen ne protesta même pas, car il est vrai qu'elle se sentait au bord du malaise.
L'odeur du sang était si écoeurante...
Elle lui rapellait ce cauchemard qui revenait sans cesse, et le coup de feu qu'elle y percevait semblait vriller son crâne d'un son plus que réel et surtout très dérangeant.
Elle se dirigea d'un pas trainant vers le fauteuil, et ce n'était pas pour le style cette fois, mais véritablement parce qu'elle avait du mal à soulever les jambes.
Elle sentait même ses pensées s'emballer et devenir incohérentes de temps à autre.
Elle s'installa donc avec précaution dans le fauteuil, retenant un soupir de soulagement.
Après cette course stupide dans les couloirs, les divers bleurs et écorchures dues à la chute encore plus bête de tout à l'heure se faisaient ressentir...

Elle regarda le jeune homme s'éloigner d'un oeil vide, se demandant vaguement ce qu'il allait faire.
Elle ferma les yeux lorsqu'il ouvrit les fenêtres, car le soleil qui illumina soudain la pièce lui fit mal aux yeux.
Peu à peu elle s'y habitua, et ses pensées semblèrent se remettre en ordre, comme remotivée par la présence du soleil...
Elle regarda autour d'elle, et tenta un sourire.
La pièce était encore plus belle illuminée.
Elle se dit vaguement qu'il y aurait là une belle photo à prendre, ou qu'un artiste pourrait y passer sa journée à dessiner les variantes de couleur qui s'étaient rassemblées là...

Monsieur Sama se retourna alors vers Eileen.
Celle-ci évita un peu son regard, car en effet elle était intimidée.
Mais intimidée ne voulait pas dire potiche.
Aussi elle demanda, d'une voix pateuse, certes, mais plus bouchée car elle avait arrêté (enfin) de saigner du nez et avait pu enlever le mouchoir.

" C'est comment vot' prénom m'sieur? "

Elle ne savait pas trop comment l'apeller autrement que monsieur.
Il n'était pas du tout âgé, mais il avait l'air si...
Comment dire? Respectable? Digne? Qu'elle n'envisageait pas l'appeller autrement que monsieur, à moins qu'il ne lui donne son prénom, et là même elle aurait un peu de mal à s'y faire.

Eileen sourit et eut même un éclat de rire à la première phrase de Aiauh.
Elle ne riait pas souvent, car elle n'aimait pas non plus ses dents, qu'elle jugeait imparfaite, comme toutes ses parties du corps à l'exception de ses cheveux d'ailleurs.
Il avait quand même le sens de l'humour pour un bourge qui avait un peu l'air d'un mort-vivant ou d'un vampire...
Hum... A tout casser, elle préférait vampire, parce que l'histoire des morts-vivants à moitié zombie qui bouffent le cerveau, c'était pas très ragoûtant...
Il fallait vraiment qu'elle arrête de regarder des films d'horreur et de lire des histoires aussi morbides.
Hey quoi, en même temps elle adorait ça, frissonner, avoir la trouille, même si elle avait plutôt tendance à éclater de rire sur le coup, par exemple au moment où une tête soudainement décapité se mettait à faire un magnifique vol plané sur la tête d'un marquis ou autre idioties de ce genre dont elle raffolait.
Seulement, c'était quand vient la nuit qu'elle commençait à regretter d'avoir vu ces trucs, elle se disait à ce moment qu'elle ne regarderait plus jamais, et pourtant le lendemain elle se faufilait dans le passage secret jusqu'à la salle de cinéma...

Puis elle entendit un chuchotement.
Il venait du jeune homme.
Elle eut du mal à le comprendre sur le coup, tant il avait parlé bas.
Puis elle comprit.
Aiauh.
Mais qu'est ce que ça voulait dire?
Apparement pas un truc très joyeux, car il en tirait une de ses têtes...
C'était un drôle de nom, mais il sonnait agréable à l'oreille, avait des consonnorités plutôt douces...

" C'est marrant comme nom. ça vient d'où? "

Puis, il lui demanda le sien.
Elle se renfrogna quelque peu, se disant qu'elle aurait préféré avoir un nom un peu plus original, sa mère aurait quand même pu lui donner un nom espagnol à elle aussi!

" Eileen "

Eileen se sentit rougir à nouveau alors qu'il complimentait son prénom.
Merde, ce gars il avait un pouvoir magique ou quoi?
Si ça continuait, ce ne serait plus face-de-lune qu'on l'appellerait chez elle mais tête-de-tomate!
Elle rougissait plutôt rarement d'habitude, vu que c'était elle qui mettait les autres mal à l'aise par son air renfrogné et ses regards sombres, limite assassins.

Elle savait que l'heure tournait, que plus d'un quart d'heure s'était probablement passé depuis qu'elle avait franchi la porte de la grande et magnifique demeure Sama, mais pourtant elle n'arrivait pas à s'inquièter.
Elle savait que ses frères, eux, seraient morts de trouille et se sentiraient probablement coupables de l'avoir laissée ici, enfin sauf Miguel peut être, qui n'avait pas du bien digéré son coup de poing.
Bien fait pour eux, elle allait les laisser mariner dans leur jus un petit moment et quand elle reviendrait ils la supplieraient à genoux de leur pardonner...
Ce qu'elle ferait en échange de la corvée de vaisselle, bien évidement.
Et voilà qu'elle se refesait encore tout un film, décidément c'était une maladie chez elle.

Elle regarda de nouveau le visade d'Aiauh, se demandant quel âge il pouvait avoir, et pourquoi restait il silencieux aussi longtemps.
C'est vrai que ça collait plutôt bien au personnage en fait, le silence.
D'habitude, elle aurait commencé à s'ennuyer et se serait sûrement raclé la gorge pour rapeller sa présence à son interlocuteur, mais là elle ne le fit pas.
Elle ne s'ennuyait pas du tout, chose étrange.
Elle ne s'amusait pas non plus remarque, elle était juste... Bien.
A l'aise, confortablement installée pour une fois.
Un peu vaseuse aussi, mais ça devait être plutôt à cause de la perte de sang.
Elle se dit qu'elle devait avoir une drôle de tête, avec une tonne de sang séché sur le visage et au moins autant sur la manche droite de son chemisier blanc - le seul de toute sa "garde-robe" - et sans compter les nombreux accrocs dans ses vêtements et ses cheveux en bataille.

Alors qu'elle réflechissait au moyen d'être plus présentable, Aiauh se remit à parler, et elle l'écouta très attentivement.
A la première pause, elle se sentait toute émoustillée, comme à chaque fois qu'on lui racontait une histoire.
Surtout qu'il s'agissait d'un vampire.
Elle s'exclama soudain, à peine le mot légende ayant franchis ses lèvres:

" J'espère que vous n'allez pas vous suicider vous aussi alors! Ce s'rait bête comme même! "

Hum... Le sublime accent des bas-lanberes...
Elle se demanda s'il allait reprendre, avec plus de détails, car là c'était plutôt court, et il reparla en effet, mais pas du vampire.
Elle fronça les sourcils en entendant comment sa mère avait choisi ce prénom.
PLutôt bizarre comme choix, elle si elle avait eu un fils, elle lui aurait trouvé un nom un peu plus... joyeux.
Avec une histoire moins sombre en fait.
Mais, là encore, ça collait très bien au personnage.
Elle ne put s'empêcher de demander:

" Et concrètement, qu'est ce que ça veut dire Aiauh? "

Eileen qui en était presque à sourire eut comme un coup au coeur.
Hum... Ce jeune homme n'était peut être pas très saint d'esprit.
L'inquiètude s'inscrivit sur son visage.
Pas pour elle, mais pour lui.
S'il avait déjà essayé de se suicider deux fois, qu'est ce qui garantissait qu'il n'y aurait pas une troisième?
Hey! C'était pas son problème de toute façon!
Sur son visage on avait pu suivre tout son raisonnement.
On voyait absolument tout sur son visage, il était comme un livre ouvert : l'amour, la joie, la tristesse, la haine...
C'était parfois pas très pratique, surtout pour mentir...

Alors qu'elle commençait sérieusement à s'interroger sur cet homme, il commença à lui expliquer les origines de son prénom, en ajoutant une phrase qui lui fit froncer les sourcils et répliquer:

" Vous vous trompez m'sieur [elle ne pouvait pas s'empêcher de l'apeller comme ça] on peut être libre même quand on est vivant, mais la liberté ça ne rend pas forcément heureux, parce qu'y a aussi des inconvénients ! "

Elle s'exprimait dans un language rude, ce qui rendait bizarre sa phrase, qui elle était plutôt très correcte^^.
Mais, avant qu'elle ne puisse développer, il se mit à parler de son visage, ajoutant un qualificatif qui la cloua sur place.
Ben oui, personne encore ne lui avait dit qu'il était beau, normalement l'adjectif c'était fromage blanc...
Ce qui ne l'empêcha pas d'éclater de rire lorsqu'il lui demanda si elle s'était battue!

" Ben ouais, avec mon frère, Miguel, on se bat tout le temps et il m'a mis un coup d'poing... "

Elle eut l'air surprise et un peu gênée lorsqu'il lui présenta son bras.
A elle?
Elle se leva et, timidement, s'appuya dessus, mais avec tant de légèreté qu'elle ne semblait même pas le toucher!
C'était seulement dans les livres ou les films que le garçon se conduisait ainsi...

" Vous z'êtes quelqu'un de gentil vous, mais vous z'êtes quand même un peu zarb, sans vouloir vous vexer m'sieur Aiauh... "

Bon, elle l'appellait déjà par son prénom, c'était un progrès!
Mais que voulez vous, un homme comme ça, c'était dur de l'appeler avec simplicité, comme s'il avait été quelqu'un de normal, parce que manifestement, c'était pas quelqu'un avec un caractère habituel...
Pour une fois qu'elle rencontrait quelqu'un comme ça!
Elle regardait autour d'elle d'un air presque excité, maintenant qu'elle n'avait plus ni le nez en sang ni la tête qui tournait, elle pouvait se rendre vraiment compte de sa situation et de l'endroit où elle était!
On se serait vraiment cru dans un conte, une histoire en tout cas, peut être un roman tiens, et maintenant il restait à savoir si ce serait une histoire fantastique ou...
Elle frissonna.
C'était partit, une fois que son imagination s'emballait, ça pouvait aller très loin, jusqu'aux images gores en fait...
En même temps, il y avait de quoi s'interroger sur cet endroit, et sur la personne qui l'habitait en particulier.
Eileen ne pensait pas que Aiauh soit fou, mais soudain elle se rapellait vraiment bien du conte de Barbe-Bleu, mais avec la version qui finit mal...

* Au moins il n'a pas de barbe lui, et encore moins bleue du coup ! * Se dit elle, pour se redonner un peu de courage.

Elle choisit de regarder attentivement le décor dans lequel ils évoluaient, car elle était tout de même appuyée sur le bras d'un superbe jeune homme et riche en plus !
Cette demeure était vraiment étrange, mais étrangement magnifique.
Oui, elle avait en fait une beauté à l'ancienne, une beauté sombre, réservée, assez charmante, mais surtout inquiétante, du moins c'était l'avis d'Eileen.
A chaque tournant, à chaque pièce qu'ils traversaient, car en plus ils marchaient lentement, elle avait l'impression qu'il y allait bientô avoir quelque chose qui allait leur tomber dessus, genre une squelette, un monstre du type loup-garou, ou plutôt un vampire en fait, ça paraissait bien être le genre de la maison...

* Et bien ça doit pas être drôle tous les jours d'habiter ici... *

Elle sourit lorsqu'ils grimpèrent les escaliers, se disant qu'ils devaient vraiment peser très lourd pour que ses vieux escaliers craquent autant!
Et puis son sourire s'évanouit à peine même avait elle eut cette pensée, car pour elle ce n'était pas très réjouissant de penser au poid, et en particulier au sien!

Ils arrivèrent enfin au premier étage.
Aucune différence, à part une couche de poussière supplémentaire et du fait qu'il soit plus en hauteur que le rez-de-chaussé!
Eileen eut envie de rire à sa phrase.

" Ben c'est plutôt vrai... Vous z'avez pas de fenêtres ou quoi? "